Les fonctions linguistiquesPrenons la situation où deux personnes se parlent. Le linguiste Roman Jakobson (1960) a proposé un modèle pour décrire les facteurs qui entrent en ligne de compte.
Il a appelé la personne qui parle le
destinateur et la personne qui écoute le
destinataire. Bien sûr, la même personne sera tantôt destinateur tantôt destinataire. En même temps, pour garder la communication, il faut garder le
contact entre les deux personnes. Il faut aussi partager le même
code (on sait ce qui se passe si on ne partage pas la même langue). En outre, on ne parle pas dans le vide, mais dans une situation particulière, dans un endroit et à un moment donné: tout cela s'appelle le
contexte. Finalement, il y a ce qui se transmet entre les deux, ce qu'on appelle le
message.
Jakobson a identifié une
fonction linguistique qui correspond à chacun des facteurs.
La fonction centrée sur le destinateur, ce que le destinateur se montre sur lui-même, s'appelle la fonction
émotive. Par exemple, il existe un ensemble de mécanismes linguistiques disponibles pour montrer les émotions du destinateur: pour montrer qu'on est fâché, on hausse la voix, on insiste sur ses mots, etc.
Expérience: Testez vos amis. Essayez de simuler les marques d'une émotion ou une autre, et voyez s'ils réagissent de la façon appropriée. |
La fonction centrée sur le destinataire s'appelle la fonction
conative. Par exemple, pour faire agir quelqu'un, on a à sa disposition une série de ressources, allant d'une phrase impérative:
Ferme la porte à une demande plus polie
Pourrais-tu fermer la porte à une simple suggestion
Il y a un courant d'air qui passe par la porte.
Exercice: Exprimez le même contenu de 3 manières différentes. Une autre personne doit décider à quel type d'interlocuteur vous vous adressez (comme on le fait souvent quand quelqu'un parle au téléphone). |
D'autres aspects de la fonction conative concernent des changements d'accent ou de langue; l'ajout ou l'élimination de traits élégants ou populaires; le choix d'un vocabulaire de niveau intellectuel ou vulgaire.
La fonction linguistique basée sur le contact s'appelle la fonction
phatique. Beaucoup d'interjections (
oui, oui) et de gestes (regards, hochements de tête) contribuent à maintenir le contact.
Expérience: Testez l'importance de la fonction phatique de la façon suivante. Dans une conversation en personne ou bien au téléphone, évitez toute marque phatique normale. Ne dites rien, ne changez pas d'expression. Comptez le nombre de secondes qui s'écoulent avant que votre interlocuteur vous demande ce qui ne va pas. |
La fonction linguistique centrée sur le code s'appelle la fonction
métalinguistique. Nous nous en servons chaque fois que nous expliquons le sens d'un mot inconnu, ou que nous faisons une traduction dans une autre langue.
La fonction basée sur le contexte s'appelle la fonction
référentielle. Chaque fois que nous transmettons de l'information sur le monde à une autre personne, c'est la fonction référentielle qui est en jeu.
Finalement, la fonction axée sur le message lui-même s'appelle la fonction
poétique. Chaque fois que la forme des mots influence le choix des mots utilisés, nous avons un exemple de la fonction poétique. Prenez l'annonce publicitaire:
Tide est là. La saleté s'en va. Remplaçons
s'en va par
part. Le message reste le même, mais le texte a changé: on a perdu la rime, et l'effet est moins frappant.
Expérience: Prenez une chanson et remplacez la moitié des mots par un synonyme. Qu'est-ce qui change? |
On a donc tort de limiter la fonction poétique à la poésie. En fait, elle est fréquente dans la langue de tous les jours. En même temps, il faut reconnaître que les différentes fonctions peuvent coexister dans le même énoncé. Finalement, il faut admettre que le modèle de Jakobson est incomplet: il existe plusieurs fonctions qu'il n'a pas prévues.
Expérience: Pensez à d'autres fonctions que Jakobson n'a pas prévues dans son modèle. |